Big Bang à beaubourg
Big Bang
Destruction et création dans l’art du 20° siècle
Du 15 juin 2005 au 27 février 2006
Big Bang ?
Oui, encore une fois le titre de l’exposition en cours au Centre Pompidou est percutant, on pourrait même dire qu’il est « in » dans la lignée de Africa Remix et Dionysiac ( dont le titre était trop prétentieux pour une expo finalement décevante).
Pour l’introduire en quelques mots, Big Bang est une nouvelle présentation par thèmes des œuvres de la collection du Centre Pompidou autour des deux notions ambivalentes de destruction et création.
Fort bien me direz-vous, mais pourquoi nous rebattre les oreilles de cette exposition-événement si elle présente les mêmes œuvres dans un ordre différent ?
Tout d’abord, y sont présentées des œuvres qui ont rarement, voire pas encore été exposées à Beaubourg, c’est donc l’occasion d’en découvrir un paquet. Mais surtout, les œuvres sont classées et présentées par thèmes et non plus par périodes ou courants artistiques ; il est donc intéressant de voir les parallèles ainsi que les liens et les héritages qu’il existe entre différents artistes au cours du 20° siècle. Et enfin, Big Bang n’est pas soumise au tarif d’une exposition temporaire, elle est donc accessible au visiteur muni d’un billet donnant accès à la collection permanente, je vous propose pour cela de vous référer au site http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Accueil.nsf .
La genèse de l’exposition est intéressante : le président du centre, Bruno Racine, a su tirer parti des travaux mis en œuvre dans le cadre de la rénovation du musée, pour être flambant neuf en 2007 pour ses 30 ans, ceux-ci contraignent le musée à fermer à tour de rôles la totalité des espaces intérieurs.
Habituellement, le 4ème et le 5ème étages accueillent respectivement la collection d’art contemporain et d’art moderne. Le 4ème étant momentanément fermé au public, l’exposition Big Bang investit tout le 5ème étage (1200m² d’exposition) et mêle donc art moderne et art contemporain. Les intentions à l’origine de l’exposition, démontrent un dynamisme certain qui se ressent lors de la visite.
L’exposition se divise en 8 grands thèmes eux-mêmes recoupés en diverses sections : destruction, construction/déconstruction, primitivismes/ archaïsmes, sexe, guerre, subversion, mélancolie, réenchantement.
Sorties du cadre linéaire et chronologique qu’offre habituellement la présentation du Centre Pompidou ainsi que la plupart des ouvrages sur l’art au 20° siècle, les œuvres apparaissent sous un jour nouveau. Elles sont confrontées à d’autres mouvements, d’autres périodes auxquelles elles sont liées par une problématique commune, comme par exemple la salle intitulée « monochrome », sous-section du thème « destruction », où cohabitent le carré noir de Malévitch (1923-1930) ainsi que le bleu Ikb de Klein et une vidéo de John Baldessari, 6 colourful inside jobs qui montre l’artiste à l’œuvre dans une minuscule pièce carrée filmée du dessus recouvrant la totalité de la pièce de rouge, puis, d’orange…
Big Bang s’inscrit dans la mouvance des expositions thématiques récentes qui regroupent de nombreux artistes utilisant les techniques les plus variées possibles, le tout formant un joyeux bordel significatif d’une forte émulation artistique.
Elle permet de comprendre en quoi le 20ème siècle a été une sorte de Big Bang moderne dans l’histoire de l’art mais également de comprendre pourquoi il a fallu passer par une phase de destruction des valeurs sociales et morales du 19° siècle ainsi que de son système de représentation habituel pour créer à nouveau. L’exposition a pour but d’initier les visiteurs à l’art moderne et contemporain en éveillant leur curiosité et en suscitant leur intérêt grâce à une présentation peu banale.
Pour les initiés à l’histoire de l’art au 20° siècle, elle incarne une certaine façon de penser l’art en général.
Le commentaire que je vous propose ne remplacera pas la visite que vous ferez si vous en avez la possibilité. Si vous ne pouvez vous rendre à Paris, je vous conseille d’acheter le catalogue qui est fidèle à l’exposition, c’est une très bonne alternative à un livre d’histoire de l’art du 20° siècle.
En attendant, je vous propose de commenter brièvement les œuvres ayant fait réagir le public lors de mes visites:
Attempt to raise hell , de Dennis Oppenheim 1974 (que vous retrouverez également dans Burlesques Contemporains au Jeu de Paume jusqu’au 18 septembre) étonne un bon nombre de visiteurs : c’est une sculpture automate ; régulièrement, un mannequin à l’effigie de l’artiste vient heurter bruyamment une cloche métallique. Ce choc produit un bruit qui résonne dans toute la pièce. La réaction des visiteurs est de se retourner vers la sculpture pour connaître le coupable du bruit, comme si quelqu’un avait transgressé un interdit en touchant l’œuvre.
On retrouve cette même peur de toucher l’œuvre d’art avec les carrés d’étain (144 Tinsquares, 1975) de Carl André qui sont disposés en carré sur le sol et que les visiteurs évitent soigneusement malgré le fait que l’on puisse marcher dessus, certains tentent timidement quelques pas dans un coin du carré mais personne n’ose le traverser de bout en bout. (le rédac' "chef": si moi!)
Les visiteurs sont souvent très intéressés par les vidéos, et notamment celle de Dave’s party de Richard Goldstone (1987) dans la salle intitulée « échelle aberrante », elle met en scène de jeunes enfants américains de milieu aisé à l’occasion d’une petite fête. Les enfants sont doublés par des voix adultes et le contraste créé avec leur physionomie permet un recul et donc une critique avec humour. Il y a également une vidéo de Paul Macarthy (painter) dans laquelle l’artiste se met en scène pour parodier et ridiculiser le métier de peintre et le désacraliser.
Corps en transit (2000) de Didier Fiuza Faustino, suscite l’intérêt et le questionnement, même si beaucoup de visiteurs passent sans s’arrêter pour défricher l’œuvre qui représente une cage pour homme destinée au transit, la forme est donc plus complexe que celle de votre chat ou de votre chien car elle s’adapte aux dimensions humaines. Cette œuvre est présentée dans la salle intitulée « procédures violentes » et cohabite avec la fine de dio (1964) de Lucio Fontana et un tableau de la série Tir (1961) de Niki de Saint-Phalle pour lequel on peut regretter l’absence de vidéo.
Les touristes étrangers en visite à Paris en profitent pour prendre en photo l’alter ego de Mona Lisa qu’ils ont filmée au Louvre, la Joconde à moustache (L.H.O.O.Q) de Duchamp.
L’œuvre à ne pas manquer est la grande installation vidéo de Bill Viola, five angels forthe millenium (2001) qui présente 5 tableaux cinématographiques réalisés dans des milieux aquatiques s’apparentant aux limbes desquels émergent des corps fantomatiques.
Big Bang regroupe donc une diversité incroyable d’artistes, et ils semblent que tous appartiennent à la même communauté, ils sont tous unis par l’idée de ce Big Bang moderne : leur création est basée sur une première déconstruction que ce soit des valeurs sociales ou du système de représentation.
Personne n’est oublié dans Big Bang, tous les grands « ismes » du 20° siècle ont leurs représentants et tous les supports, toutes les techniques sont utilisés (architecture, arts plastiques, photographie, cinéma, vidéo, design, littérature). Profitez de cette exposition qui ouvre à une conception nouvelle de la présentation muséale et retournez-y autant que vous le pourrez. Elle est intéressante parce qu’elle diffère de la présentation chronologique et pédagogique habituelle. En fin de compte, on peut également voir cette notion ambivalente de destruction/création dans les intentions de l’exposition elle-même puisqu’elle invente une nouvelle façon de présenter les œuvres du 20° siècle en réaction à la présentation habituelle. Mais n’oublions pas que les deux notions, destruction et création, sont dépendantes l’une de l’autre et Big Bang n’existe que parce que la collection a toujours été présentée chronologiquement.
Bonne visite.
Destruction et création dans l’art du 20° siècle
Du 15 juin 2005 au 27 février 2006
Big Bang ?
Oui, encore une fois le titre de l’exposition en cours au Centre Pompidou est percutant, on pourrait même dire qu’il est « in » dans la lignée de Africa Remix et Dionysiac ( dont le titre était trop prétentieux pour une expo finalement décevante).
Pour l’introduire en quelques mots, Big Bang est une nouvelle présentation par thèmes des œuvres de la collection du Centre Pompidou autour des deux notions ambivalentes de destruction et création.
Fort bien me direz-vous, mais pourquoi nous rebattre les oreilles de cette exposition-événement si elle présente les mêmes œuvres dans un ordre différent ?
Tout d’abord, y sont présentées des œuvres qui ont rarement, voire pas encore été exposées à Beaubourg, c’est donc l’occasion d’en découvrir un paquet. Mais surtout, les œuvres sont classées et présentées par thèmes et non plus par périodes ou courants artistiques ; il est donc intéressant de voir les parallèles ainsi que les liens et les héritages qu’il existe entre différents artistes au cours du 20° siècle. Et enfin, Big Bang n’est pas soumise au tarif d’une exposition temporaire, elle est donc accessible au visiteur muni d’un billet donnant accès à la collection permanente, je vous propose pour cela de vous référer au site http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Accueil.nsf .
La genèse de l’exposition est intéressante : le président du centre, Bruno Racine, a su tirer parti des travaux mis en œuvre dans le cadre de la rénovation du musée, pour être flambant neuf en 2007 pour ses 30 ans, ceux-ci contraignent le musée à fermer à tour de rôles la totalité des espaces intérieurs.
Habituellement, le 4ème et le 5ème étages accueillent respectivement la collection d’art contemporain et d’art moderne. Le 4ème étant momentanément fermé au public, l’exposition Big Bang investit tout le 5ème étage (1200m² d’exposition) et mêle donc art moderne et art contemporain. Les intentions à l’origine de l’exposition, démontrent un dynamisme certain qui se ressent lors de la visite.
L’exposition se divise en 8 grands thèmes eux-mêmes recoupés en diverses sections : destruction, construction/déconstruction, primitivismes/ archaïsmes, sexe, guerre, subversion, mélancolie, réenchantement.
Sorties du cadre linéaire et chronologique qu’offre habituellement la présentation du Centre Pompidou ainsi que la plupart des ouvrages sur l’art au 20° siècle, les œuvres apparaissent sous un jour nouveau. Elles sont confrontées à d’autres mouvements, d’autres périodes auxquelles elles sont liées par une problématique commune, comme par exemple la salle intitulée « monochrome », sous-section du thème « destruction », où cohabitent le carré noir de Malévitch (1923-1930) ainsi que le bleu Ikb de Klein et une vidéo de John Baldessari, 6 colourful inside jobs qui montre l’artiste à l’œuvre dans une minuscule pièce carrée filmée du dessus recouvrant la totalité de la pièce de rouge, puis, d’orange…
Big Bang s’inscrit dans la mouvance des expositions thématiques récentes qui regroupent de nombreux artistes utilisant les techniques les plus variées possibles, le tout formant un joyeux bordel significatif d’une forte émulation artistique.
Elle permet de comprendre en quoi le 20ème siècle a été une sorte de Big Bang moderne dans l’histoire de l’art mais également de comprendre pourquoi il a fallu passer par une phase de destruction des valeurs sociales et morales du 19° siècle ainsi que de son système de représentation habituel pour créer à nouveau. L’exposition a pour but d’initier les visiteurs à l’art moderne et contemporain en éveillant leur curiosité et en suscitant leur intérêt grâce à une présentation peu banale.
Pour les initiés à l’histoire de l’art au 20° siècle, elle incarne une certaine façon de penser l’art en général.
Le commentaire que je vous propose ne remplacera pas la visite que vous ferez si vous en avez la possibilité. Si vous ne pouvez vous rendre à Paris, je vous conseille d’acheter le catalogue qui est fidèle à l’exposition, c’est une très bonne alternative à un livre d’histoire de l’art du 20° siècle.
En attendant, je vous propose de commenter brièvement les œuvres ayant fait réagir le public lors de mes visites:
Attempt to raise hell , de Dennis Oppenheim 1974 (que vous retrouverez également dans Burlesques Contemporains au Jeu de Paume jusqu’au 18 septembre) étonne un bon nombre de visiteurs : c’est une sculpture automate ; régulièrement, un mannequin à l’effigie de l’artiste vient heurter bruyamment une cloche métallique. Ce choc produit un bruit qui résonne dans toute la pièce. La réaction des visiteurs est de se retourner vers la sculpture pour connaître le coupable du bruit, comme si quelqu’un avait transgressé un interdit en touchant l’œuvre.
On retrouve cette même peur de toucher l’œuvre d’art avec les carrés d’étain (144 Tinsquares, 1975) de Carl André qui sont disposés en carré sur le sol et que les visiteurs évitent soigneusement malgré le fait que l’on puisse marcher dessus, certains tentent timidement quelques pas dans un coin du carré mais personne n’ose le traverser de bout en bout. (le rédac' "chef": si moi!)
Les visiteurs sont souvent très intéressés par les vidéos, et notamment celle de Dave’s party de Richard Goldstone (1987) dans la salle intitulée « échelle aberrante », elle met en scène de jeunes enfants américains de milieu aisé à l’occasion d’une petite fête. Les enfants sont doublés par des voix adultes et le contraste créé avec leur physionomie permet un recul et donc une critique avec humour. Il y a également une vidéo de Paul Macarthy (painter) dans laquelle l’artiste se met en scène pour parodier et ridiculiser le métier de peintre et le désacraliser.
Corps en transit (2000) de Didier Fiuza Faustino, suscite l’intérêt et le questionnement, même si beaucoup de visiteurs passent sans s’arrêter pour défricher l’œuvre qui représente une cage pour homme destinée au transit, la forme est donc plus complexe que celle de votre chat ou de votre chien car elle s’adapte aux dimensions humaines. Cette œuvre est présentée dans la salle intitulée « procédures violentes » et cohabite avec la fine de dio (1964) de Lucio Fontana et un tableau de la série Tir (1961) de Niki de Saint-Phalle pour lequel on peut regretter l’absence de vidéo.
Les touristes étrangers en visite à Paris en profitent pour prendre en photo l’alter ego de Mona Lisa qu’ils ont filmée au Louvre, la Joconde à moustache (L.H.O.O.Q) de Duchamp.
L’œuvre à ne pas manquer est la grande installation vidéo de Bill Viola, five angels forthe millenium (2001) qui présente 5 tableaux cinématographiques réalisés dans des milieux aquatiques s’apparentant aux limbes desquels émergent des corps fantomatiques.
Big Bang regroupe donc une diversité incroyable d’artistes, et ils semblent que tous appartiennent à la même communauté, ils sont tous unis par l’idée de ce Big Bang moderne : leur création est basée sur une première déconstruction que ce soit des valeurs sociales ou du système de représentation.
Personne n’est oublié dans Big Bang, tous les grands « ismes » du 20° siècle ont leurs représentants et tous les supports, toutes les techniques sont utilisés (architecture, arts plastiques, photographie, cinéma, vidéo, design, littérature). Profitez de cette exposition qui ouvre à une conception nouvelle de la présentation muséale et retournez-y autant que vous le pourrez. Elle est intéressante parce qu’elle diffère de la présentation chronologique et pédagogique habituelle. En fin de compte, on peut également voir cette notion ambivalente de destruction/création dans les intentions de l’exposition elle-même puisqu’elle invente une nouvelle façon de présenter les œuvres du 20° siècle en réaction à la présentation habituelle. Mais n’oublions pas que les deux notions, destruction et création, sont dépendantes l’une de l’autre et Big Bang n’existe que parce que la collection a toujours été présentée chronologiquement.
Bonne visite.